George Braque et Picasso

Picasso et Braque

Braque et Picasso, Photographie Mariette Lachaud

Entre 1908 et 1914PICASSO et BRAQUE traversèrent une période durant laquelle ils entretinrent des relations étroites qui exprimaient un échange constant d’idées et de théories. Il semblerait néanmoins que l’artiste espagnol demeurât à l’origine des rapides progrès réalisés par le peintre du Havre. Malgré la différence fondamentale qui démarqua leur talent respectif, après leur rencontre en 1907 s’ensuivit une période d’intense activité picturale pour les deux amis.

PICASSO restait un intuitif extraordinairement doué pour le dessin, alors que BRAQUE apparaissait plus comme un déductif qui devait son talent de parfait connaisseur de la couleur à son approche de l’Impressionnismeet du Fauvisme.

Ils visèrent cependant tous les deux à un même résultat. PICASSO chercha à enrichir la forme par la couleur, alors que BRAQUE désira enrichir la couleur par la forme.

Le Cubisme apparut dès lors pour eux deux, comme l’occasion de parachever leur travail artistique antérieur. PICASSO respecta la couleur qu’il avait négligée jusque là, et BRAQUE s’intéressa sérieusement à la forme qui n’avait été pour lui jusqu’alors qu’un élément subordonné dans sa peinture. Le Cubisme leur permit d’affirmer leur personnalité, en leur apportant le complément qui s’avérait nécessaire.

La dépersonnalisation du langage pictural réalisée par BRAQUE etPICASSO alla de concert avec leur perception de l’atelier où certains éléments disparates comme le carton, la sciure, la limaille, le sable, le papier, le bois, les pochoirs, la tôle, les rasoirs et certains outils d’artisans, furent employés fréquemment pour aboutir à une iconographie populaire d’objets ordinaires.

Bouteille de Vieux Marc, Verre et Journal, 1912

Bouteille de Vieux Marc, Verre et Journal, Picasso, 1912

Ancien peintre en bâtiment, BRAQUE innova en apportant à la pratique cubiste, la réalisation de lettres faites au pochoir, ou le mélange de la couleur à du sable, ou encore la production d’imitations du bois ou du marbre. BRAQUE, qui manifestait un certain malaise dans le dessin, révéla néanmoins une grande sensibilité aux aspects subtils de la lumière et de l’espace, en rappelant le talent de CEZANNE qui avait souvent déclaré : « Le contour me fuit ». Dans ses compositions, les lignes deBRAQUE eurent tendance à s’étendre passivement sur leur support, alors que les dessins de PICASSO laissèrent toujours apparaître un trait mordant qui traversait de manière phénoménale la surface de la feuille à dessin.

Source

Tantôt ce fut l’un, tantôt l’autre qui prit l’initiative de mettre en pratique telle œuvre, tel progrès de nouveaux modes d’expression. Le mérite en revient à tous deux. » (Daniel Henry Kahnweiler, Confessions esthétiques)

L’auteur de ces lignes, Daniel Henry Kahnweiler, ne s’y est pas trompé: le cubisme fut une invention collective, due à deux artistes qui, selon les mots de Braque, étaient comme « la cordée en montagne ». Le critique et collectionneur Wilhelm Uhde parlera même d’un « mariage spirituel ».
Durant ces années décisives, Braque et Picasso se voient tous les jours: « Nous travaillions beaucoup […] Nous étions surtout très concentrés ». Après une première phase « analytique » du cubisme, les deux artistes ressentent le besoin de réintroduire la réalité dans leurs tableaux. Fin 1911, c’est Braque qui innove en reproduisant des lettres et des chiffres au pochoir sur la toile. En 1912, Picasso prend le relai en inventant le collage, aussitôt repris par Braque qui inaugure les constructions en papier et développe l’idée des papiers collés.

Tous deux travaillent ainsi côte à côte, dans une forme d’émulation inédite. Ils poussent ce principe jusqu’à cultiver l’anonymat en s’abstenant de signer leurs œuvres, brouillant ainsi un peu plus les pistes. Révolution picturale, le cubisme est aussi une révolution artistique majeure, mettant à mal le culte de l’artiste solitaire et du « beau métier ». Ils utilisent et détournent des objets et matériaux pauvres, du quotidien ou industriels: morceaux de papier peint ou de journal, paquet de cigarettes, sable, sciure de bois, limaille de fer… La réalité réapparaît dans sa matérialité même. Le savoir-faire de Braque, formé dans l’entreprise paternelle de peinture décorative, transparaît dans ses oeuvres: faux-bois, faux papiers-peints, réintroduction progressive de la couleur, travail de la touche, effets de matière…

Mais l’aventure s’interrompt brutalement en 1914: mobilisé, Braque est grièvement blessé en 1915 et entame une longue convalescence avant de recommencer à peindre, en 1917.

 

Source

George Braque et le cubisme

Le père du cubisme

Les  trois périodes cubistes que distingue l’historien de l’art ont été initiées et développées par Georges Braque : le cubisme cézannien (1907-1909), analytique (1909-1912) et synthétique (1912-1922).

Post-impressionniste puis fauve, Braque n’adhère plus à la contingence de l’un ni à la manière décorative de l’autre. Les toiles de Cézanne exposées au Grand Palais lors de la rétrospective de 1907 sont pour lui une révélation : Cézanne a cherché et inventé un langage pictural. Dans ses pas, Braque se rend dans le Midi auprès des motifs du Maître. Il en revient avec des paysages de l’Estaque et de la Ciotat surprenants : il garde de Cézanne la géométrisation du modèle et conserve les « passages », continuité d’une surface à une autre, afin de créer la sensation de « tourner autour » de l’objet représenté. Mais il souhaite aller au bout des conséquences de la vision de Cézanne.  Dans ses tableaux Maisons à L’Estaque (1908), il simplifie les volumes des maisons, néglige le détail en enlevant portes et fenêtres : c’est le rythme plastique qui construit le tableau. Le Grand Nu, chef d’œuvre de la période, peut être considéré comme la première œuvre du cubisme cézannien.

La systématisation et l’approfondissement des découvertes de Braque ouvrent la porte ducubisme analytique. A partir de 1909, sa peinture devient plus cérébrale que sensuelle. Le motif est recréé dans la bidimensionalité de la toile, en écartant toute perspective illusionniste. Dans Nature morte au violon, les objets sont analysés en facettes, selon leurs éléments caractéristiques, chaque facette renvoyant à un point  de vue particulier de l’objet. Il y a donc autant de facettes que de points de vue choisis : le tableau rend compte de la connaissance de l’objet et de l’ubiquité du regard. Par ailleurs, Braque est à la recherche de l’essence des objets du monde non de leur contingence, ce qui explique l’absence de source de lumière et l’utilisation de couleurs éteintes (gris, ocres), aspects contingents de l’objet. Mais la logique formelle a multiplié les facettes, effacé toute anecdote à l’objet et, finalement, mené sa peinture vers un hermétisme de plus en plus marqué, à la limite de l’abstraction (voir la série des Château de la Roche-Guyon).

Braque, soucieux de s’en tenir au concret et refusant à tout prix que la logique du cubisme tire les toiles vers l’abstrait, réintroduit des signes du réel dans ses toiles : 1912 marque le début du cubisme synthétique. Les historiens parlent de « signes du réel » plutôt que de réalité parce que ce qui intéresse Braque, ce n’est pas de mettre de la réalité dans un tableau, mais de créer une toile qui, par son langage, renvoie au réel. Pour cela, il invente deux techniques majeures du XXe siècle : les inclusions et les apports. Les inclusions consistent à peindre des objets du réel qui n’ont aucune profondeur, des matières (le faux-bois peint dans Nature morte aux cartes à jouer est une inclusion picturale) ou des lettres (inclusion calligraphiques dans Le Portugais), réalisées d’abord au pinceau et quelques mois plus tard au pochoir. Les apports se définissent en revanche par le collage sur la toile de matériaux étrangers : papiers collés ou encore sable, sciure de bois, etc. En ce qui concerne les papiers collés, Braque utilise pour la première fois en septembre 1912 un morceau de papier adhésif imitant le faux-bois dansCompotier et verre, puis ensuite, l’enveloppe  de paquet de tabac dans Le Bock en 1912-1913, ou encore une affiche publicitaire dans Le Damier, 1913).  Les apports et les inclusions renvoient à un objet extérieur au tableau, sans « imiter » cet objet. Loin de leurs apparences, les objets représentés sont en ce sens plus proches de l’essence des objets du monde réel.

C’est aussi à l’époque du cubisme synthétique que Braque invente la sculpture en papier. Il n’en reste malheureusement aucune et seul le témoignage d’une photographie permet d’en rendre compte : papiers et cartons.

Présentation du cubisme

L’inspiration première vient de l’œuvre de Cézanne qui transforme la vision en volumétrie concrète. Braque et Picasso en créant le courant cubisme abolissent la perspective, principe fondamental de la peinture depuis la renaissance. Dès lors le spectateur est confronté à une image dont il peut faire le tour sans avoir à se déplacer : la troisième dimension entre dans l’espace bidimensionnel.

APRÈS CÉZANNE
Cézanne remet en question la perception en perspective issue de la Renaissance Italienne. Il déforme les volumes et les plans, quitte à créer de « fausses perspectives ». Dans ses natures mortes, on peut observer simultanément différents points de vue et des décalages de plans. Par exemple, la table est montrée vue du dessus, alors que les fruits sont représentés vus de face. Il n’hésite pas à s’éloigner de la « justesse » du dessin, et à déformer les choses, si cela peut servir sa composition et mettre en valeur tel ou tel contraste qui l’intéresse, ou s’il veut mettre en avant une forme particulière.
Il aboutit aussi dans ses compositions à une grande simplification des formes et des surfaces colorées, de plus en plus géométriques, qui s’éloignent de la représentation réaliste de la peinture classique.

REPRÉSENTER CE QUE L’ON SAIT
Suivant la voie ainsi ouverte Georges Braque et Pablo Picasso, les premiers, ont la volonté de représenter l’objet tel qu’il est, dans sa globalité, dans son intégralité, et non tel qu’on le voit de manière directe, c’est-à-dire du seul point de vue de notre oeil. Il y a donc une rupture radicale avec la représentation perspective à point de fuite de la Renaissance qui présente la scène de manière réaliste à partir d’un point de vue unique qui correspond à celui de notre regard.

Les cubistes veulent montrer ce qui fait l’essence d’une chose, la montrer dans son intégralité. Ils veulent montrer tout ce qui peut caractériser une forme, même si dans la réalité, on ne peut pas le percevoir simultanément. Par exemple, ce qui caractérise une tasse, c’est l’anse que l’on voit quand on l’observe de face, l’ellipse qui se dessine quand on la regarde d’au-dessus, et la forme du récipient lui-même vu de profil.

Le cubiste, va chercher à montrer l’essentiel de ce qu’est une tasse, en représentant ses différentes caractéristiques, ses différents plans, simultanément sur le plan de la toile, même si cela ne correspond pas à ce que l’on peut observer dans la réalité. Ce principe est appliqué aux objets comme aux personnages.
Cela fait penser aux représentations égyptiennes dans les hiéroglyphes, qui, pour signifier la chose en montrent les éléments caractéristiques et essentiels, même s’ils ne se situent pas nécessairement sur un même plan dans la réalité : pour montrer une vache, on va en montrer le profil, et simultanément, les cornes qui la caractérisent, vues de face. Il en va de même pour les personnages qui sont représentés avec le corps vu de face et le visage de profil.
On voit d’ailleurs à cette époque de nombreuses références à l’Afrique et à l’Egypte dans toute la culture, aussi bien littéraire, que théâtrale, au cinéma ou en musique. Le thème des momies est souvent emprunté ainsi que de nombreux thèmes orientaux et africains. C’est la mode de l’exotisme et de la fascination des autres continents que sont l’Asie, l’Inde et l’Afrique.
L’aspect géométrique des formes cubistes est aussi très inspiré des sculptures africaines. De nombreux artistes s’y intéressaient de très près. Certains portraits ressemblent en effet à s’y méprendre à des copies de masques africains.

Inspiré par ces types de représentations, le cubisme cherche à traduire la vérité de l’objet en l’analysant de manière concrète dans chacune de ses parties et à rendre compte de ses différents points de vue sur une même image. Mais l’analyse des formes et est de plus en plus complexe et les formes deviennent de plus en plus morcelées, fractionnées. À force de complexité, les cubistes finissent par perdre la lisibilité de l’image.
Face à cette perte de l’image, les artistes ressentent alors le besoin d’introduire des éléments rapportés pour permettre à nouveau la reconnaissance de l’objet. Ils introduisent alors dans leurs tableaux des éléments issus du réel, pour donner des indices et permettre à nouveau la reconnaissance de l’objet : lettres, chiffres, fragments de matériaux divers, échantillons prélevés dans le monde réel.

Frise chronologique du cubisme et de ces auteurs:

Chronologie2

Source: http://www.histoiredelart.net/courants/le-cubisme-12.html

2 vidéos sur le cubisme: