George Braque et le cubisme

Le père du cubisme

Les  trois périodes cubistes que distingue l’historien de l’art ont été initiées et développées par Georges Braque : le cubisme cézannien (1907-1909), analytique (1909-1912) et synthétique (1912-1922).

Post-impressionniste puis fauve, Braque n’adhère plus à la contingence de l’un ni à la manière décorative de l’autre. Les toiles de Cézanne exposées au Grand Palais lors de la rétrospective de 1907 sont pour lui une révélation : Cézanne a cherché et inventé un langage pictural. Dans ses pas, Braque se rend dans le Midi auprès des motifs du Maître. Il en revient avec des paysages de l’Estaque et de la Ciotat surprenants : il garde de Cézanne la géométrisation du modèle et conserve les « passages », continuité d’une surface à une autre, afin de créer la sensation de « tourner autour » de l’objet représenté. Mais il souhaite aller au bout des conséquences de la vision de Cézanne.  Dans ses tableaux Maisons à L’Estaque (1908), il simplifie les volumes des maisons, néglige le détail en enlevant portes et fenêtres : c’est le rythme plastique qui construit le tableau. Le Grand Nu, chef d’œuvre de la période, peut être considéré comme la première œuvre du cubisme cézannien.

La systématisation et l’approfondissement des découvertes de Braque ouvrent la porte ducubisme analytique. A partir de 1909, sa peinture devient plus cérébrale que sensuelle. Le motif est recréé dans la bidimensionalité de la toile, en écartant toute perspective illusionniste. Dans Nature morte au violon, les objets sont analysés en facettes, selon leurs éléments caractéristiques, chaque facette renvoyant à un point  de vue particulier de l’objet. Il y a donc autant de facettes que de points de vue choisis : le tableau rend compte de la connaissance de l’objet et de l’ubiquité du regard. Par ailleurs, Braque est à la recherche de l’essence des objets du monde non de leur contingence, ce qui explique l’absence de source de lumière et l’utilisation de couleurs éteintes (gris, ocres), aspects contingents de l’objet. Mais la logique formelle a multiplié les facettes, effacé toute anecdote à l’objet et, finalement, mené sa peinture vers un hermétisme de plus en plus marqué, à la limite de l’abstraction (voir la série des Château de la Roche-Guyon).

Braque, soucieux de s’en tenir au concret et refusant à tout prix que la logique du cubisme tire les toiles vers l’abstrait, réintroduit des signes du réel dans ses toiles : 1912 marque le début du cubisme synthétique. Les historiens parlent de « signes du réel » plutôt que de réalité parce que ce qui intéresse Braque, ce n’est pas de mettre de la réalité dans un tableau, mais de créer une toile qui, par son langage, renvoie au réel. Pour cela, il invente deux techniques majeures du XXe siècle : les inclusions et les apports. Les inclusions consistent à peindre des objets du réel qui n’ont aucune profondeur, des matières (le faux-bois peint dans Nature morte aux cartes à jouer est une inclusion picturale) ou des lettres (inclusion calligraphiques dans Le Portugais), réalisées d’abord au pinceau et quelques mois plus tard au pochoir. Les apports se définissent en revanche par le collage sur la toile de matériaux étrangers : papiers collés ou encore sable, sciure de bois, etc. En ce qui concerne les papiers collés, Braque utilise pour la première fois en septembre 1912 un morceau de papier adhésif imitant le faux-bois dansCompotier et verre, puis ensuite, l’enveloppe  de paquet de tabac dans Le Bock en 1912-1913, ou encore une affiche publicitaire dans Le Damier, 1913).  Les apports et les inclusions renvoient à un objet extérieur au tableau, sans « imiter » cet objet. Loin de leurs apparences, les objets représentés sont en ce sens plus proches de l’essence des objets du monde réel.

C’est aussi à l’époque du cubisme synthétique que Braque invente la sculpture en papier. Il n’en reste malheureusement aucune et seul le témoignage d’une photographie permet d’en rendre compte : papiers et cartons.

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